Où sommes-nous ?

Vagues à l’âme

Vagues à l’âme

Les vagues, cela nous connait. Du petit clapot léger le long de la coque, des belles vagues d’un bleu caraïbe (vous savez, celui de la pub Harpic) aux monstrueuses vagues de la houle du grand large, en passant par les vagues scélérates qui nous prennent par surprise et nous trempent de la tête au pied, elles sont nos compagnes fidèles.
Mais, aujourd’hui, ce sont des vagues de notre âme, dont nous aimerions vous parler.
Comme vous, nous sommes des êtres complexes aux dimensions paradoxales et réaliser un beau voyage qui est magnifique, n’a pas pour autant que de bons côtés.
Nous sommes à la moitié du temps, au temps des bilans. Nous ne voudrions pas laisser l’image d’un parcours uniquement idyllique en tous points enviable et surtout superficiel.
Quel est l’envers du décor ?
Voyager en bateau, n’est pas choisir la facilité.
Le confort y est plus rudimentaire. Nous vivons dans un espace étroit et mal insonorisé. Nos oreilles sont le doux foyer quotidien de nos boules Quies et le doux bercement de la houle se transforme parfois en roulis infernal. Les départs à 4 heures du mat’ pour naviguer tout le jour sont foison. Les douches chaudes et réconfortantes font place aux douches courtes et froides économisant l’eau précieuse et rare. Les manœuvres de bord sculptent nos corps d’athlète (bon là, faut pas exagérer non plus !).
Les tâches matérielles deviennent prégnantes. La lessive nécessite de trouver la laverie et de s’y rendre en annexe, à pied ou en taxi, de faire la queue, d’utiliser les lave et sèche-linge grande quantité de mauvaise qualité. Je reprends à mon compte le concept des « tâches propres » de mon amie Flo, pour nos vêtements que nous maltraitons.
Préparer le repas, selon les conditions de mer, n’est pas des plus faciles. Trouver l’avitaillement non plus ! Le mini market de Spanich Harbour ne propose que des mangues et des citrons au rayon fruits et légumes. Pas vraiment l’équilibre alimentaire de rêve et à des prix américains ! Alors je me spécialise dans la création de nouvelles recettes avec les moyens du bord et la cuisson d’un four à gaz. Mais cela fonctionne, puisque mon Capitaine est ravi !
Veiller sur notre bateau, mon capitaine se charge des problèmes techniques, toujours nouveaux. La caisse à outils est quotidiennement ouverte et les shipchandlers sont nos premiers repères dans chaque ville.
Communiquer avec ses proches. On joue toujours, non pas à trouver Charlie, mais à trouver Wifi !
Parfois introuvable ou de si mauvaise qualité que l’envoi d’un pauvre mail tient du miracle. Le décalage horaire pimente notre quête : trouver wifi avant 17 H !
Communiquer dans des langues étrangères induit souvent une communication superficielle où la nuance de sens n’est pas notre priorité.
A la maison, nos routines quotidiennes nous permettent de réaliser avec efficience nos corvées, ici l’environnement mouvant les rend plus difficiles.
Il nous semble important pour Gilles et moi, de vous faire savoir que nos contraintes, souvent identiques dans nos vies quotidiennes créent un cadre rassurant délimitant, en partie, notre zone de confort.

Nous les critiquons trop facilement. Nous étions loin, en larguant les amarres du port des minimes de nous imaginer faire cette constatation. Nous nous en réjouissons car cela enrichit la dimension intérieure de notre beau voyage. Nous vous encourageons à sourire de ces contraintes en appréhendant leur dimension positive, comme nous le ferons à notre retour.

Bon, les aspects matériels, pour être importants ne sont pas les plus déterminants de ce bilan.

Partir durant un an, cela nous change profondément.

On touche mieux ses limites. Je suis de tempérament rêveuse, souvent planant au-dessus du sol. La théorie, les grandes idées, les relations humaines cela oui, cela m’intéresse. Le sens de la technique, son application concrète et rapide sont pour moi des défis qui m’intéressent peu. Or, en navigation, ils sont déterminants et gages de notre survie. Je suis souvent hors de ma zone de compétence et cette insécurité est parfois pesante et épuisante. Finalement, nos métiers sont rassurants, ils nous maintiennent dans notre zone de confort, dans laquelle nous savons réussir et être reconnus.

 

Partir, c’est découvrir. Oui, mais on reste sur la superficialité des choses, nous comprenons peu les différences culturelles, appréhendons uniquement des façons de vivre sans en comprendre les causes profondes et diverses.

Partir, c’est être loin. Loin de vous, de nos vieux amis pour lesquels, un sourire, un silence, un regard trahit notre état d’être profond, sans que l’on ai besoin de s’en expliquer.

Partir, c’est se priver de ces petits plaisirs : tu viens prendre une glace chez Ernest, un café au marché, un pot sur le port, un apéro du dimanche soir … Ces petits moments de gaité colorent notre quotidien.

Partir, c’est ne plus prendre ses enfants dans les bras, ne plus s’allonger sur le lit pour raconter ce qui pèse ou ce qui allège nos vies.

Finalement, votre amitié nous porte loin et soutient notre courage. L’amour, l’amitié sont bien les ciments de notre vie et de nos périples. Cet éloignement ne fait que les renforcer.

Puis un pélican vient plonger juste au bord du bateau, alors on se dit que l’on a de la chance de découvrir tant de nouvelles choses. Mais, aussi que l’on aura du bonheur à vous les raconter.

Comments (16)

  • BEN says:

    Et ben, c’est notre côté humain. Les hauts et les bas.
    On a pu vivre cela en étant 2 ans à l’autre bout du monde et ne pas avoir de visites. Le téléphone fonctionnait très bien mais l’ADSL 512k c’était limite pour messenger…
    Ça ne va pas durer vous connaissant. De la nostalgie, un peu de mélancolie.
    Prendre un bon verre, de la bonne musique et c’est reparti.
    Profitez les amoureux.
    Bisous

    • ROSELYNE NIEL says:

      Merci Ben, tu as raison cela repart mais tu as aussi raison, c’est pour cela que nous sommes des êtres humains.
      On pense bien à vous
      Des bisous à toute la famille

  • chantal Villain says:

    Coule l’eau, coule l’eau,
    Passent les saisons.
    Coule l’eau, coule l’eau,
    Trois p’tits tours et s’en vont.
    Des images, des sons,
    Des visages, des noms,
    Orages et passions.
    Coule l’eau,
    Coule l’eau sous les ponts.( j’aurai dit sous la coque)

    Les gens s’en vont, les gens s’en viennent,
    Certains s’endorment, d’autres se réveillent,
    Lumières qui s’allument et s’éteignent,
    Tous logés à la même enseigne. ……

    Chanson de Louis Chedid

    Elle est belle, douce, et apaisante laissant au fond de sa pensée, un peu de nostalgie, de vérité
    Alors je vous la dédie ( je ne suis pas assez douée pour l’écrire) mais si vous avez l’occasion de la chercher sur Gogole, écoutez là

    Ton récit nous montre que tout se mérite et ce sont les contraintes, les difficultés, les aléas de la vie que nous franchissons qui nous font l’apprécier.

    Continuez votre Nav, prenez les bons moments que vous avez mérités comme un cadeau, et les plus difficiles comme une épreuve

    Pensons bien à vous

    Bises des Chouchou ( je n’ai pas encore pris la décision du S ou du X)

    • ROSELYNE NIEL says:

      Hello les Chouchoux (s)
      Merci de ce très beau texte, j’adore Louis Chedid, sa mère Andrée et son fils ! Et oui il y a toujours l’envers de la médaille et parfois il faut savoir en parler aussi
      On sait que vous êtes là
      Des bisous

  • Odile BADEY says:

    Hou la la, je ne sais que penser de cet article très bien écrit par ailleurs. Je te trouve trop mélancolique… Presque triste à te poser des questions existentielles sur votre voyage!
    Moi, je ne me les pose pas car vivre sur un bateau n’a rien à voir avec la vie à terre… surtout du point de vue du confort. Mais je fais cela depuis assez longtemps, c’est la différence.
    J’aime la note d’optimisme avec le pélican à la fin de ton article.
    J’attends avec impatience l’article sur les BVI car on y sera dans moins d’un mois.
    A bientôt, j’espère.
    Bisous à vous 2
    Odile

    • ROSELYNE NIEL says:

      hello Odile
      Tu as raison, les BMS ne durent pas et les BVI sont très différentes de ce que nous avions vu jusqu’à présent : les USA sous forme de petites îles. Je vous envoie un article bientôt. La vie de longue durée en bateau est pour moi une découverte et je souhaitais aussi vous le faire partager. Des bises

  • Delphine says:

    Coucou les aventuriers,
    Profitez-en les amoureux, Ernest est toujours là…les soldes ont été décevantes cette année, le centre ville se refait une beauté et dans 1 mois on va élire le nouveau maire .
    Voilà, rien de super passionnant ici et promis si un éléphant surgit sur le Quai Maubec en jouant de la clarinette, je vous préviens immédiatement. 😁
    Continuez à nous raconter les jolies choses que vous voyez…
    😘,

    • ROSELYNE NIEL says:

      Hello Ma Delph,
      Je te fais confiance tu veille avec humour, des bisous

  • Geraldine says:

    Oh la la !!!!!! il y a un BMS (Bulletin de Mélancolie Soudaine) sur Abhaya, les BMS ne durent que quelques heures, la preuve un pélican, une tortue, une belle mer, du soleil, un petit Mars (ou un carambar !!!) et ça repart.

    L’amour et l’amitié sont des liens très forts. Vos récits nous font du bien et nos messages, même s’ils sont un peu courts, sont là pour vous dire que l’on pense à vous.

    J’invite tous ceux (et ils sont nombreux ) qui vont sur votre blog lire vos aventures à y écrire un petit message, nous aimons tous recevoir des nouvelles, des sms, des lettres, des mails et ce blog est le lien idéal.

    Nous attendons avec impatience votre prochain récit et des photos sur les Iles Vierges Britanniques.

    De gros bisous de nous 2 pour vous 2 et à très bientôt.
    GG et Phil

    • ROSELYNE NIEL says:

      Hello Gégé,
      Tu as raison les BMS ne durent pas et les BVI (on vous fera un article pour l’ensemble car chaque petite île n’en vaut pas la peine) sont bien sympas, mais tu as effectivement raison aussi cela fait chaud au cœur d’avoir de vos nouvelles à tous
      On vous embrasse bien fort

  • jean-Michel says:

    Coucou les amis,
    Roselyne, que je prends plaisir à lire ta prose !
    J’ai le sentiment de vivre ces instants temoignés.
    La lessive, la course au temps (wifi), les vivres, l’économie de l’eau, les manques, les envies …
    Se retrouver dans l’essentiel, s’approcher de la simplicité de la vie, prendre conscience du superflu et du nécessaire…
    En quelques mots, ce que je ressens à te lire.
    Je suis très ému et très heureux pour vous.
    Hier, nous avons fêté mon anniversaire avec mes filles et Flavien, l’ami de Florine. Un moment de partage en famille, tel qu’il peut vous manquer à certains moments de votre aventure.
    Nous aussi on voudrait passer un moment avec vous, devant une glace, une bière, quelques bons plats, devant un match de rugby (un bon match de rugby avec la nouvelle équipe).
    Il ne suffit pas d’être parti de l’autre côté de l’Atlantique pour ressentir de la mélancolie. Peut être la mélancolie pour les terriens et la saudad pour les voyageurs.
    On pense à vous, je vous envoie de la patience pour faire la queue, de la lumière pour vos sombres pensées, de l’amitié pour remonter le baromètre du moral.
    Pour l’amour, je vous laisse entre complices consentants.
    Gros bisous
    Jean-Michel

  • Jean-Mi says:

    Coucou les amis,

    Que je prends plaisir à lire ta prose Rose. 😉
    Sortir de ses zones de confort pour appréhender les limites ou les no limits de nos capacités d’adaptation.
    Peut être avec surprise, en laissant la vie faire, à nous mettre dans l’incapacité d’anticiper, à toujours adapter nos comportements.
    Se rapprocher de l’essentiel, prendre conscience du nécessaire au corps, à l’âme.
    Je trouve ton bilan à mi parcours riche et merveilleux de sens humain, parce que tu sais évoquer les moments difficiles de fatigues aussi bien que les moments faciles et ensoleillés.
    Nous aussi, manquons de vous, devant une bière, un match de rugby (un bon match de rugby avec la nouvelle équipe de France), partageant un bon repas…
    Peut être la mélancolie pour les terrestres et la saudade pour les marins…
    Je vous envoie de la lumière pour vos idées sombres, de l’amitié pour gonfler votre énergie, de la patience pour vivre sereinement les queues de lessives, de douches…
    Pour l’Amour, je vous laisse entre amants consentants

    Continuez à nous faire rêver

    Jean-Mi

    • ROSELYNE NIEL says:

      Merci Jean Mi de ce beau message, il est en plein dans le mille de ce que nous ressentons profondément.
      On t’espère bientôt à notre bord des bisous

  • Florence Nalin-Curull says:

    Le voyage est souvent semé d’embûches, mais vous avancez et savez profiter des bonheurs qui se présentent et permettent de supporter les moments difficiles.
    Vous reviendrez changés par cette aventure qui n’en est qu’à sa moitié.
    Et vous reviendrez plein d’images, de saveurs, d’odeurs. de goûts qui feront que vous ne savourerez plus jamais la vie comme avant ce jour de grand départ.
    Un grand pas sur votre route, un grand pas qui vous fait grandir.
    Les glaces d’Ernest et les petits cafés sur le vieux port n’auront pas le même goût à votre retour, car ils seront enrichis de votre périple.
    Gros bisous à vous deux, et les vents vous ramèneront vers Ruppela et ses Minimes.

    • ROSELYNE NIEL says:

      Merci Florence de ce gentil mot. Cela va mieux et nous profitons des BVI. Je vous fait un article tres vite
      des bises

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