Dis, c’est comment une traversée ? … de Gran Canaria au Cap Vert
Nous voilà partis samedi matin, le 16 novembre 2019, pour 6 jours de mer entre Puerto Rico et Mindelo.
Prévisions favorables et mer belle, on se sent vaillants et courageux.
Effectivement après être sortis des dévents des îles des Canaries, la houle des alizés s’établit et nous poursuivons à fond (25/30 nœuds) grand-voile à 2 ris et trinquette tangonnée.
On se fait doucement au rythme du bateau.
Plutôt que vous raconter, heure par heure, ce qui se passe, nous allons répondre à des questions simples.
Dis qu’est-ce qu’on fait pendant une traversée ?
On vit des aventures …
Au large de la Mauritanie, à l’heure du film du dimanche soir, un bateau fait route sur nous sans que nos instruments (AIS et radar) ne le détectent. Brusquement, il éteint ses feux et devient invisible.
Branle-bas de combat, nous arrêtons d’émettre à l’AIS, éteignons les feux et toutes les lumières du bateau. Nous ne gardons que le radar, par mesure de précaution. Changement radical de route, à notre tour nous devenons invisibles et fonçons dans la nuit.
Commence alors notre film du dimanche soir, à nous, au scénario, Henri Cordobes, à la réalisation, Jean Gilles Marcelo, au montage, Roselyne Niel. Pendant 2 heures, nous veillons et supputons : bateau de pêche dont les feux ont un problème technique, trafiquants qui veulent se faire discrets, bateau de migrants et de passeurs, mauritaniens en recherche d’argent ? C’est beaucoup plus palpitant que Pirate des Caraïbes !
Pour fêter cela, bon repas de darne de poisson à l’américaine, une grosse vague, renverse les assiettes sur les coussins du canapé du cockpit ! Vive la mer ! Une bonne partie du lundi sera consacrée au lavage en tout genre
Premier quart de nuit pour le capitaine, une méchante bourrasque provoque deux empannages intempestifs. Re branlebas de combat, le baume est touchée, pontet arraché. Notre anémomètre a enregistré un tourbillon à 100 nœuds !
Dis, est ce que l’on s’ennuie pendant une traversée ?
Non, le temps passe très vite entre les différentes activités ….
Gilou le bricoleur
La traversée s’émaille de beaucoup de discussions techniques entre les deux marins pour réparer les différents déboires inhérents à toute navigation.
Dans un bateau, il faut savoir tout faire, naviguer, bien sûr, être météorologue, physicien pour calculer les angles, les pressions et surtout bricoleur pour réparer vite et bien avec les ressources du bord ! Bravo les marins !
Gilou le marin,
Il faut toujours régler les voiles, éternel compromis entre la vitesse et la route directe. Pour peu que l’on soit suivi à l’AIS par un autre bateau, le régatier reprend de la vigueur et le grand génois est tangonné pour assurer le plus de toile possible.
Gilou le météorologue
Les fichiers météo, le routeur à terre et l’Iridium (notre téléphone satellite) crache les fichiers pour assurer une navigation sans trop de mer et avec le vent du bon côté (dans les fesses). Beaucoup de temps est consacré à notre sécurité. Mais que des bonnes conditions et plein de beaux souvenirs de mer …
Henri le pécheur
Bien sûr les lignes de pêche suivent toujours le bateau ! Nous avons pêché un magnifique thon et une très belle dorade coryphène de 122cm. Mais que de travail pour remonter le poisson, le tuer, le débiter ….
Henri s’active à la découpe au coupe coupe, au marteau, au couteau, au ciseau …
Henri nous cuisine les poissons de différentes manières (en filet, darne, barbecue, carpaccio, tartare …) et nous nous régalons !
Rose le moussaillon
Dans un bateau, on range, on range et on range encore …
Tout objet, avec les coups de vague, devient vite un redoutable projectile … Et il faut pouvoir réagir vite, alors on doit connaitre la place de chaque chose pour pouvoir l’utiliser vite et bien.
La vaisselle est faite attachée et peut prendre beaucoup de temps, pour éviter tous les bruits la nuit …
Dis, qu’est-ce que l’on mange pendant une traversée ?
Que du bon, que du bon …
On a décidé que nous étions des gastronomes. Alors, avant de partir, je prépare les plats chauds. Au menu : poisson petits pois/ asperges selon la recette de Bernard dont je ne me lasse pas (regarder à la rubrique des recettes), couscous, poisson à l’américaine, taboulé, poulet basquaise … le tout complété par les très bonnes recettes d’Henri avec sa pêche. Pour les douceurs tiramisu, mangues kakis, yaourt et plein de très bonnes madeleines espagnoles.
Bien sûr, on mange dans nos bols en plastique et bien calés pour ne pas tomber.
Dis, comment on dort pendant une traversée ?
On dort si peu …
Les quarts s’installent Le capitaine de 9 heures à minuit, Rose de minuit à 3 heures, Henri de 3 heures à 6 heures. Chaque heure nous notons sur le journal de bord, notre position et la force du vent et notre allure.
Le capitaine aime bien veiller à la table à carte, devant les instruments le radar et l’AIS et sortir dehors pour vérifier de visu les éventuels bateaux, l’état de la mer et des voiles.
Moi je préfère vivre dehors la nuit et ne rentrer pour vérifier l’AIS que toutes les 15 minutes.
J’aime ce moment toute seule face à l’océan pour penser, faire du reiki …
Lorsque l’on n’est pas de quart, on va se reposer dans la cabine arrière avec sa toile anti roulis.
On ne dort pas vraiment à cause du roulis et du bruit, on se repose … Puis, au bout du troisième jour le sommeil s’empare de vous.
Dis, qu’est ce qui est difficile pendant une traversée ?
- Le bruit incessant des vagues contre la coque, du pilote automatique, des voiles qui battent, du vent dans les voiles, des grincements de la coque
- La gite, le roulis qui rendent tout déplacement un jeu d’équilibriste
- Les vagues qui renversent le café, nos bols …
- Les vagues qui nous trempent et coulent dans notre cou
- La houle qui nous brasse et nous soulève dans nos cabines
- Les nuits où l’on ne dort pas et la fatigue qui s’installe
- L’inquiétude qui nous prend parfois
- La fatigue qui gagne et nous rend plus sensibles
- La promiscuité qui nous irrite et l’envie d’être seul
- Le courage qu’il faut trouver pour aller à l’avant du bateau attaché pour réparer
Dis pourquoi on fait une traversée ?
Pour être en harmonie
En harmonie avec la nature, avec soi, pour être libre, pour se confronter à la force brute de l’océan, pour avancer coûte que coûte, pour tracer son chemin, parce que physiquement on voit son chemin, sa trace qui se dessine petit à petit sur la carte, une petite ligne au milieu du grand océan …
Pour profiter encore et toujours de la beauté de la nature et de sa force
Pour vivre, des moments plus forts, plus proches de l’essentiel, de la force de la vie.
Pour se prouver que l’on est vivants au milieu des éléments.
Comments (12)
Rose,Gilles. Merci pour votre article. Je voyage avec vous et votre témoignage renforce mon envie… Vivement la retraite.
Profitez en bien et continuez a nous,faire rêver.
Pascale
Hello Pascale,
Merci et tu viens nous rejoindre quand tu veux pour une petite partie de l’aventure à notre bord.
Des bises
Très joli article! Hâte de revivre ça avec vous 🤩😇
Merci mon fils, hâte de t’avoir à nouveau à notre bord
Des bisous
Simplement magnifique, Impressionnant, irréel, fantastique, étonnant, frappant, stressant, grandiose, bouleversant, touchant, poignant, émouvant, abracadabrant, magique, merveilleux ….. et …….et y aura t il assez d’adjectifs ou d’adverbes lors de votre vrai traversée, pour aller de l’autre côté
Quand partez vous du Cap Vert ?
Merci Rose pour ce nouveau part
… j’ai voulu marquer ” Partage ”
Bisous à vous deux, Bonjour à votre compagnon de traversée
 Bientôt
Merci Chantal merci on part le 1 et décembre 😊 on vient de visiter saint Vincent je vous fais un petit article
Des bisous
Wahou !!!!!!! BRAVO, pour ce récit passionnant de votre traversée , j’avais l’impression d’être déjà sur Abhaya !!! et BRAVO à tout l’équipage. Le capitaine les pieds en éventail c’est presque un PACHA !!!! La doudoune et le short rose pour Rose le moussaillon super !!!!! Le pêcheur ne recule devant rien pour concocter de bons petits plats c’est bon aussi pour le moral de l’équipe. Visiblement le 4ème équipier dont on ne parle jamais “LE MARSUPILAMI” reste bien accroché à son poteau !!!!
Gros bisous, reposez vous bien pour être en pleine forme pour la grande traversée. A très bientôt
oui ce sera quelque chose de multiplier tout cela par 2 ou 3 et comme on veut que les enfants et vous partagiez aussi quelques jours de nav on vous prévient ! des bisous
Je te connaissais littéraire, je te découvre poétesse.
Bisous à vous deux
Salut les marins! C’est fantastiquement dingue de pouvoir suivre votre traversée comme ça …
Gaffe à vous… z’êtes tout petits sur ce grand océan…
J’ai bien hâte de vous retrouver aux Antilles pour les fêtes de Noël! Roooh…. on va être bien tintin…
Grosses bises,
Le doc
Merci Doc on a hâte que vous arriviez !
Plein de bisous